Comment vous rémunèrent les plateformes numériques ?
Qu’il s’agisse de musique ou de cinéma, les plateformes numériques ont pris une place centrale dans la distribution des œuvres. Leur mode de fonctionnement opaque et solitaire a rebattu les cartes en matière de rémunération. Résultat : une partie de vos revenus a disparu.
Les pratiques des consommateurs ont changé et, avec elles, la façon de distribuer des œuvres. Désormais, on ne possède plus un film ou un morceau sur un support physique, mais on y accède à volonté comme à n’importe quel service en ligne. Le débat ne consiste plus à dire si tout cela est bien ou mal, mais plutôt à savoir comment, désormais, garantir la liberté de créer dans des conditions équitables. En tant que « vitrine », les plateformes digitales offrent une opportunité indéniable à des artistes qui peinaient auparavant à diffuser leur travail auprès d’un large public. En matière de propriété intellectuelle et de rémunération, en revanche, le compte n’y est pas. Les règles du jeu numérique semblent bien souvent difficiles à concilier avec une juste rémunération de votre travail. Elles ne devraient d’ailleurs pas changer de sitôt puisque le dernier texte voté par l’Assemblée ne modifie pas cette situation. État des lieux de cette nouvelle donne dans les secteurs concernés.
En musique, des revenus qui s’amenuisent
De qui parle-t-on : Spotify, Deezer, Apple Music, You Tube, etc.
Quels revenus pour vous, artistes ?
Les plateformes restituent aux labels et aux distributeurs spécialisés (TuneCore, Believe, iMusician, etc.) une assiette globale de revenus liés aux écoutes des morceaux qu’ils ont cédés. C’est à partir de cette somme que la part de la rémunération qui revient à l’artiste, calculée au prorata du volume de téléchargements de ses morceaux selon des critères et des modalités différents d’une plateforme à l’autre, lui est versée par son producteur. Partant de là, plus vous êtes écoutés, plus vous touchez une grosse part d’un gâteau qui s’est, à ce stade, considérablement réduit. Pas besoin d’être un spécialiste des algorithmes pour comprendre qu’un tel système noie les plus fragiles, tout en faisant fondre les revenus de tous.
À titre d’exemple, un artiste perçoit 100 euros quand* :
- il passe 10 fois à la radio
- il vend 100 albums
- il est écouté 250 000 fois en streaming payant
- il est écouté 1 000 000 de fois en streaming gratuit
Cinéma et œuvres audiovisuelles : un équilibre stable mais fragile
De qui parle-t-on : Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, etc.
Quels revenus pour vous, artistes ?
Si vous avez participé à un film ou une série proposés sur une de ces plateformes, il faut distinguer deux types de revenus : ceux issus de la première diffusion d’une œuvre et les rémunérations complémentaires issues des exploitations suivantes.
Pour une première diffusion, les revenus relèvent de la relation contractuelle entre le producteur et l’interprète. Lorsque Netflix produit une œuvre originale, par exemple, la plateforme propose un cachet seul. Dernièrement, un accord conclu par le syndicat du spectacle de Suède pourrait toutefois laisser penser à une légère ouverture du côté du géant californien. La plateforme y a en effet accepté de verser, en plus d’un salaire initial et sans limite dans le temps, une rémunération calculée en fonction du nombre de streamings et une partie des revenus d’exploitation secondaire, au cas où, par exemple, le géant américain revendrait les droits de la production. Reste à savoir si cet accord sera pérennisé et si Netflix, comme elle l’a laissé entendre aux syndicats suédois, souhaite le généraliser.
Dans le second cas, la répartition des revenus des comédiens peut être gérée par l’Adami de manière facultative ou obligatoire. C’est le cas des rémunérations relevant de l’accord cinéma de 1990, qui prévoit le versement (par les producteurs) d’un complément de revenu quand le film a été amorti, (c’est-à-dire moins de 10 par an), mais aussi de l’accord sur la production audiovisuelle (séries et fictions) qui fixe un pourcentage sur le prix de vente du programme, à verser par le producteur et à partager entre les artistes-interprètes.
Rappel : le fonctionnement de ces plateformes
Ces multinationales proposent essentiellement des services dits de SVOD, c’est-à-dire de Vidéo à la Demande sur abonnement. Moyennant un tarif mensuel, l’utilisateur obtient l’accès illimité à un catalogue de films et de séries achetés à d’autres distributeurs (cinéma, télévision) ou produits par la plateforme elle-même. Ces offres sont distinctes et parfois associées à des services de VàD ou VOD (location d’une œuvre pour une durée déterminée, voire achat définitif).
Les plateformes d’hébergement vidéo, un cas problématique
En théorie, YouTube n’est pas un diffuseur d’œuvres audiovisuelles et échappe à la législation du droit d’auteur. Dans les faits, c’est autre chose. De plus en plus d’internautes utilisent ses services pour faire du streaming, transformant la plateforme d’hébergement en mastodonte du secteur (82 000 vidéos visionnées par seconde), loin devant Deezer et consorts. Le tout sans prévoir de compensation pour les artistes, puisque la firme américaine s’est longtemps cachée derrière des conditions d’utilisation qui stipulent qu’elle n’est, bien évidemment, pas responsable du contenu diffusé par ses utilisateurs.
Face à la fronde des musiciens et des interprètes, YouTube a tout de même créé ContentID, un outil qui scanne les vidéos, vérifie quelle musique y est utilisée et permet aux artistes de monétiser ou de bloquer la vidéo qui utilise leur œuvre. Un effort plus symbolique qu’autre chose pour l’instant. Selon les données d’Information is Beautiful, YouTube demeure en effet la plateforme la moins rémunératrice du monde avec 0,0007 dollar par lecture.
*Radio, CD, Streaming : combien gagnent les artistes – Adami 2016