Pendant que le monde tournait au ralenti, le public confiné a largement plébiscité les films et les spectacles en ligne. De leur côté, les lieux et les artistes se réinventent pour retrouver le public. Public, qui ne s’est pas fait prier pour se refaire une toile à la réouverture des salles, ou retrouver les théâtres malgré les contraintes sanitaires. Distanciel/présentiel : deux bons points pour la culture !
Pour toi public, et aussi pour toi l’artiste
Si l’engouement pour la culture est bien là, les artistes doivent maintenant jouer en tenant compte des nouvelles règles, comme les concerts en jauge réduite. Cela peut susciter un peu d’inquiétude, mais la réappropriation de l’espace est aussi un super outil pour tisser un nouveau lien avec le public. Grâce à des lumières originales ou une scéno différente, le public peut être intégré au spectacle. Une expérience plus intime pour les spectateurs… comme pour ceux qui se donnent pour eux !
Buller sur scène ou dans sa caisse
Malgré l’arrêt total des spectacles à travers le monde, beaucoup d’artistes internationaux ont vu la pandémie comme une opportunité d’innover. Pour remonter sur scène, chacun a dû trouver de nouvelles manières de se produire et le plus dingue, c’est ce qu’ont imaginé les Flaming Lips pour leur concert d’Oklahoma City. Installé dans une bulle géante individuelle, chaque spectateur pouvait ainsi assister au show à bonne distance de son voisin. Autant vous dire que le concert était hors du commun, pour le groupe comme pour le public. Et si tout le monde n’a pas de bulles à portée de main, l’expérience montre aux artistes qu’ils ont vraiment la possibilité de jouer avec les règles pour inventer de nouvelles formes de spectacles.
Côté ciné, la crise a été marquée par le grand retour des drive-ins qui permettent de profiter d’un film en plein air, bien installé dans sa voiture. Aux States, une fréquentation record a été enregistrée dans les 300 drive-ins du pays. Le même phénomène a été observé en Allemagne et en Corée du Sud, alors que ces établissements y sont très rares. En France, les drive-ins ont également connu une résurrection imprévue, notamment grâce à l’initiative du Drive In Festival inauguré à Bordeaux, à l’ouverture du plus grand drive-in du pays à Blois, ou à des concerts réalisés en Normandie dans des conditions similaires.
Sans être des solutions pérennes, ces exemples montrent qu’on peut toujours garder un lien public/artiste, à condition d’avoir des idées et de sortir de sa zone de confort. Une piste pour imaginer le spectacle vivant du futur ?
L’avant-garde espagnole ?
Tandis que presque tous les pays du monde interdisaient les grands rassemblements, l’Espagne a fait le pari de laisser tous ses lieux de culture ouverts. En investissant dans des systèmes de filtration spécialisés pour les salles de cinéma et de spectacles, elle a souhaité maintenir l’activité du secteur pour lui donner toutes les chances de traverser la crise.
Jauges réduites, masques ou encore prise de température, chaque spectateur devait accepter un protocole strict et respecter la distanciation sociale. Quant au Théâtre Royal, il a investi un million d’euros pour désinfecter sa salle aux rayons ultraviolets, ainsi que les loges et les costumes.
Face à la possibilité d’un rebond épidémique à l’automne, la France se pose la question d’imiter ses voisins espagnols. Avec un protocole adapté et l’assainissement de l’air dans les lieux clos, les artistes ne seraient plus privés d’expression. Côté public, il faudrait alors rassurer les futurs spectateurs sur la sécurité de la salle dès la campagne de pub.
Ah, l’aide !
Aux États-Unis, la Small Business Administration – l’agence du gouvernement américain dédiée au soutien des petites entreprises – a fini par attribuer des subventions aux salles de concerts les plus impactées. Ce système d’aides a vu le jour fin 2020 pour éviter des fermetures définitives. Même si le processus a mis du temps, ça reste un événement notable dans la patrie du libéralisme.
Chez nous, 148 millions d’euros ont été débloqués par l’État pour accompagner la réouverture des lieux culturels. Cela fait de la France le pays qui a le plus soutenu la culture durant la crise. Roselyne Bachelot, notre ministre de la culture, s’est également dite prête à réclamer davantage de moyens pour les salles et les artistes en cas d’insuffisance financière malgré les aides. Quant aux intermittents du spectacle, l’année blanche démarrée à l’été 2020 a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2021.
Regardez-moi dans les yeux, pas dans le masque
Les artistes qui planchent sur un nouveau spectacle se demandent plus que probablement à quoi ressemblera leur retour à la scène. Eh oui, comment voir les réactions d’un public masqué ? Pour compenser la réduction des expressions des spectateurs, tout se joue sur l’occupation scénique. C’est donc à chaque artiste de réussir à faire oublier ces règles. Qui aura la stratégie la plus créative ?
Pour les festivals, le nerf de la guerre c’est de rassembler. Il faut donc mettre le paquet sur la communication visuelle, mais encore plus sur les regards et l’intensité de la prestation. En insistant sur l’idée d’une expérience collective, l’artiste peut donner une nouvelle dimension à son set. Avant de retrouver des conditions de spectacles normales, cette étape sera un passage-clé pour réussir à déchainer les foules.
La toute-puissance des plateformes de streaming force aussi les artistes à imaginer une alliance entre numérique et spectacle vivant. Malgré le retour des jauges à 100 %, le modèle change et les méthodes de consommation évoluent. Alors que les abonnements à des services de VOD explosent, le spectacle vivant pourrait avoir à faire coexister l’expérience en salle et celle vécue à distance. Grâce à des diffusions en direct ou en différé, il est maintenant possible d’interagir avec un public plus large qui serait resté dans son canap’, tout en jouant aussi devant une salle comble.
Rassurer est le nouveau slogan
Puisque la culture reste très importante dans la vie des Français, il faut communiquer en conséquence, en misant un max sur les réseaux sociaux et en profitant du livestream. C’est en restant présent à l’esprit de leur communauté que les artistes vont pouvoir rassurer leurs futurs spectateurs – et surtout les plus frileux à l’idée de revenir un jour en salle. L’arrivée du passe sanitaire est également l’un des enjeux majeurs du retour au live. À condition d’insister sur son aspect sécurisant !
L’impact de la crise est aussi l’occasion de remettre la culture au cœur de l’éducation. Les podcasts et le numérique plaisent aux enfants et aux ados, tout en permettant de renforcer leur éducation artistique. Côté scène, la généralisation du pass culture à tous les jeunes de 18 ans est aussi une manière de leur permettre d’assister à un spectacle et de leur ouvrir l’esprit sur le monde.
En imaginant une diffusion différente (mais nécessaire), il sera également possible de parler à de nouveaux publics. Comme pour la réinvention scénique, c’est ceux qui sauront communiquer différemment qui parviendront à reconquérir les anciens habitués et à capter l’attention des autres. Un bon moyen pour les talents émergents de jouer la carte de la nouveauté et de montrer que leur art n’est pas du monde d’avant !
Illustration : Antonio Giovanni Pinna